Désenchantement du monde? Pour une histoire du couple nature / surnature (Europe, XVe-XIXe siècles) [Panel #41]
vendredi, 1. juillet
13:30 jusqu'à 15:00 heures
Salle M 1160
Par-delà ses différentes acceptions, la notion de nature est généralement opposée à celle de surnature et un certain nombre d’événements – miracles, prodiges, apparitions – sont définis comme contraires à l’ordre normal et habituel des choses. De tels faits occupent une place importante dans bon nombre de systèmes religieux, à commencer par le christianisme. Depuis l’époque des Lumières, l’histoire de cette religion a souvent été présentée comme un processus de rationalisation qui a abouti à épurer le christianisme de la plupart de ses éléments magiques. Par voie de conséquence, la frontière entre nature et surnature a généralement été perçue comme évoluant dans un sens unique, celui de la restriction progressive de l’espace du surnaturel. Sans même parler du caractère téléologique de ce qui s’apparente à un «grand récit», ce type de schéma ne résiste pas à un examen approfondi. Ainsi en va-t-il du Moyen Age, souvent présenté comme un temps de confusion quasiment totale entre nature et surnature: si tel était le cas, on ne comprend pas pourquoi les occurrences du surnaturel, à commencer par les miracles, passionnaient les contemporains, faisaient l’objet de récits souvent très détaillés et provoquaient des débats parfois intenses.
Tournant le dos aux schémas linéaires, ce panel voudrait interroger la manière dont la frontière entre nature et surnature a été perçue, exprimée et théorisée par les acteurs historiques au fil du temps. L’analyse ne se bornera pas aux textes théoriques – théologiques et philosophiques notamment – produits sur cette question mais sera également attentive aux discours développés par des acteurs plus humbles, notamment en mettant à profit les écrits du for privé – chroniques, livres de raison, journaux intimes – ainsi que des textes à large diffusion, tels les manuels de catéchisme. Il s’agira de comprendre la manière dont les intéressés définissaient les notions de nature et de surnature et les critères mis en œuvre pour leur distinction. Tout en s’inscrivant dans un cadre chronologique large de manière à discerner les évolutions au long cours, les trois interventions du panel privilégieront deux moments historiques:
- La période qui s’étend de la fin du XVe siècle au début du XVIIe, caractérisée à la fois par un renouveau de la réflexion théorique sur nature et surnature (autour de Pomponazzi notamment) et par des conflits religieux où le surnaturel a été mis au service des nécessités apologétiques
- La période qui court de la fin du XVIIIe au tournant des XIXe et XXe siècles, lorsque, comme en témoignent les écrits de Rousseau, le surnaturel devient un obstacle à la crédibilité du christianisme. Le concept de naturel est alors appliqué à la religion elle-même, non sans créer de nouvelles divisions entre les chrétiens.
L’examen de ces deux moments privilégiés doit permettre de restituer l’histoire de la frontière, à la fois mouvante et incertaine, entre nature et surnature dans la culture européenne.